Bonjour à tous, je suis Ghita, étudiante à l’ENS et assistante de recherche à UCLA. C’est durant mes stages en startups et en VC que j’ai eu envie de créer First-time Founders, un média qui décrypte les dernières tendances dans la tech, le monde du VC et l’entrepreneuriat.
Les algues sont une des ressources marines les plus abondantes de la planète. Elles représentent une source durable et renouvelable, utilisable dans de nombreux secteurs.
Il existe des milliers d’espèces d’algues qui se développent dans l’eau douce ou l’eau de mer. Les plus grandes, appelées macroalgues, représentent 20% des espèces. Ce sont pour la plupart des algues fixées sur un substrat rocheux et elles constituent elles-mêmes un abri et un substrat pour de nombreuses communautés animales marines.
Les 80% restants sont des microalgues, des micro-organismes photosynthétiques, oxygénants, unicellulaires ou multicellulaires, présentant diverses caractéristiques, telles que la consommation de dioxyde de carbone et le stockage de nutriments essentiels, de minéraux et de vitamines. Elles sont cultivées en milieu extérieur, dans des raceways, ou en milieu fermé, dans des photobioréacteurs.
Compte tenu de l’explosion de la consommation de produits plant-based, les algues sont de plus en plus employées comme ingrédient fonctionnel. Auparavant largement utilisées dans l'alimentation animale, le rendement élevé en protéines de certaines microalgues en fait aujourd’hui un ingrédient idéal pour toute une série de produits alimentaires. Mais pas seulement !
En effet, les algues sont une ressource naturelle qui permet de nombreux usages : l’élevage, les cosmétiques, les biocarburants, etc.
Plongeons ensemble dans ce marché prometteur.
L’algue, une ressource aux milles vertus
De plus en plus de chercheurs et startups s’intéressent aux algues, et ce pour de nombreuses raisons :
Elles peuvent se développer dans l’eau douce comme dans l’eau de mer, voire dans des bâtiments, puisqu’elles ne sont pas cultivées au sol.
Elles poussent 10 fois plus vite que les plantes terrestres et peuvent absorber 10 à 50 fois plus de CO2.
Elles nécessitent moins de ressources que les plantes terrestres, car elles peuvent être cultivées sans eau douce et sans pesticides.
Elles constituent une source intéressante de protéines, de minéraux, de vitamines (A, B1, B2, C, E), de fer et de magnésium.
Elles peuvent être utilisées dans de très nombreux secteurs : la santé animale, l’agroalimentaire, les cosmétiques, le textile, etc.
Le marché des algues : un marché en forte croissance
Selon Statista, le marché mondial des algues était estimé à 4,4 Mds$ en 2020 et devrait atteindre 5,2 Mds$ d’ici 2023.
L’industrie mondiale des algues se concentre principalement aux États-Unis, en Chine, au Japon et en Europe. La filière européenne des algues pesait d’ailleurs 1,1 Mds$ en 2020, et devrait atteindre 1,3 Mds$ en 2023.
Selon l’EABA, les algues sont majoritairement utilisées pour la consommation humaine et animale, à hauteur de deux tiers, le reste est utilisé dans d’autres industries comme celle des cosmétiques ou encore l’industrie pharmaceutique.
L’augmentation de la demande en produits naturels et sains et la prise de conscience accrue des consommateurs en matière de santé, a entrainé une croissance importante de la demande de produits alimentaires à base d’algues. Même si les ingrédients à base d’algues ont représenté moins de 1% du total des produits alimentaires et des boissons lancés en Europe entre 2014 et 2015, ils sont tout de même de plus en plus populaires. Les lancements de produits alimentaires à base d’algues ont en effet augmenté de 147% en Europe entre 2011 et 2015.
D’autres facteurs peuvent expliquer la croissance importante de ce marché :
Le développement de technologies qui permettent d’envisager la production de biocarburants à base d’algues à grande échelle pour remplacer les combustibles fossiles.
L’utilisation croissante des algues pour l’élevage et l'aquaculture.
La demande croissante en compléments alimentaires et produits nutraceuptiques, notamment la spiruline et la chlorella.
L’augmentation du végétarisme : 5 % de la population mondiale serait, de fait, végétarienne ou végan. Cela représenterait pas moins de 375 millions de personnes.
L’intérêt croissant pour les enjeux climatiques : les algues offrent une solution puissante et évolutive qui peut séquestrer plus de carbone au kilomètre carré que les écosystèmes forestiers.
L'Amérique du Nord était le plus grand marché pour les produits à base d'algues en 2020 (35 %) en raison de l'augmentation de la population, couplée à une demande accrue de produits alimentaires dans la région.
En outre, la sensibilisation accrue aux enjeux sanitaire et l'augmentation du revenu disponible dans les pays tels que la Chine, l'Inde et le Japon stimulent la consommation de produits nutraceutiques, alimentant ainsi la croissance du marché des algues.
Comment cultive-t-on des algues ?
L’algoculture ou phycoculture désigne la culture en masse des algues dans un but industriel et commercial. Ce domaine concerne aussi bien les microalgues que les macroalgues.
Durant les années 1970, les principaux pays producteurs de biomasse algale sont Israël, le Japon et l’Europe de l’Est. Il s’agit alors de cultures en bassins ouverts pour l’alimentation. Les avantages majeurs des bassins ouverts restent leur facilité de construction et le fait qu’ils soient rapidement opérationnels et productifs. Mais les cultures y sont difficilement contrôlables, dépendant de la concentration atmosphérique en CO2 et de la luminosité naturelle. Manquant de brassage du volume de culture, elles n’ont pas une productivité sur de longues périodes et peuvent facilement être contaminées par des parasites ou prédateurs extérieurs.
Dans les années 1990 et dès lors que les algues ont commencé à retenir l’intérêt des industries pharmaceutique, cosmétique et agroalimentaire, les photobioréacteurs ont connu un fort développement technique, en raison des contrôles plus poussés qu’ils permettent sur la production algale par rapport aux bassins ouverts. Les photobioréacteurs sont plus chers à construire et plus complexes à mettre en place, mais assurent un meilleur contrôle de la culture et une production plus durable dans le temps.
Certaines micro-algues peuvent aussi être cultivées sans lumière, dans des fermenteurs à agitation.
Aujourd’hui, la Chine et l’Indonésie sont les pays leaders de cette production avec plus de 10 millions de tonnes d’algues fraiches produites par an. D’ailleurs, 99 % de la production est asiatique. Contrairement aux pays asiatiques, l’Europe, le Canada et l’Amérique latine participent à ce secteur d’activité par la récolte d’algues sauvages, mais ne participent pas (ou peu) à leur production.
Les algues : un produit aux applications diverses
De plus en plus de startups misent sur les algues pour disrupter des secteurs divers et variés. L’Europe regorge d’entreprises innovantes dans le domaine. Le mapping ci-dessous répertorie les principales solutions portées par les startups du secteur.
Production et transformation d’algues : cette catégorie comprend l’ensemble des entreprises qui cultivent les algues dans un but industriel et commercial et qui les transforment en extraits et solutions pour d’autres industries. C’est le cas notamment d’Inalve, qui cultive des microalgues selon un procédé industriel nouveau et économe en ressources, ou encore d’Eranova, qui transforme les algues vertes en résines biosourcées adaptées aux processus de production industriels.
Produits cosmétiques et pharmaceutiques à base d’algues : les algues présentent la particularité d’être biocompatibles avec notre peau, permettent de l’hydrater intensément et sont capables d’absorber les UVA et UVB et ainsi lutter contre les coups de soleil, les tâches pigmentaires et, à long terme, certains cancers de la peau. Elles agissent aussi efficacement contre le vieillissement de la peau et donc, l’apparition des rides. Enfin, la présence de nombreuses biomolécules actives dans les algues représente une manne intéressante dans la recherche de nouveaux composés d’intérêt pharmacologique. Nombreuses sont les entreprises à s’être lancées sur ce créneau, à l’instar d’Algotherm qui développe un ensemble de soins pour le visage et le corps à base d’actifs marins ou encore d’AlgoSource, une entreprise spécialisée dans l’extraction de molécules à fort intérêt clinique (notamment pour lutte contre le cancer, le COVID-19, etc.), à partir de microalgues.
Produits agroalimentaires à base d’algues : cette catégorie comprend l’ensemble des entreprises qui commercialisent directement des algues ou les utilisent pour développer des alternatives aux produits d’origine animale (comme la viande ou le lait), des produits nutraceutiques et des compléments alimentaires ou encore des produits à destination de l’élevage ou de l’aquaculture. C’est le cas notamment d’Algama qui développe des substituts de poisson et de produits laitiers à base d’algues ou encore de Volta Greentech, une entreprise suédoise qui développe un complément alimentaire à base d’algues pour réduire considérablement les émissions de méthane produites par les vaches laitières et les bovins de boucherie.
Alternatives aux produits carbonés à base d’algues : les algues peuvent remplacer le pétrole pour la fabrication de nombreux matériaux tels que le plastique ou la peinture. Les résidus de microalgues peuvent aussi être utilisés comme liant à mélanger au gravier et au sable pour fabriquer du bitume. Notpla est une entreprise anglaise qui s’est lancée sur ce créneau et qui développe des packaging biodégradables à base d’algues.
Produits textiles à base d’algues : cette catégorie comprend l’ensemble des entreprises qui disruptent l’industrie de la mode et fabriquent des bio-textiles à base d’algues. C’est le cas notamment de Pyratex qui produit des tricots de luxe, à partir de fibres végétales provenant d’algues.
Biocarburant à base d’algues : cette catégorie comprend l’ensemble des entreprises qui produisent du carburant à base d’huile d’algues. Les huiles que les microalgues produisent par photosynthèse constituent des réserves d’énergie qui peuvent être transformées en biocarburants par voie chimique. Phycobloom est une startup anglaise qui récolte l’huile des algues, qu’elle modifie d’abord génétiquement, pour produire un biocarburant durable et potentiellement économiquement viable.
Les défis que doivent relever les acteurs du marché
Il existe encore quelques freins à la consommation d’algues.
Contrairement au Japon, la consommation d’algues en Europe est plutôt récente et occasionnelle. Manger des algues n’est pas une habitude alimentaire dans le continent, notamment en raison des problème de goût et d’odeur : certaines algues ont un goût d’herbe, d’autres une odeur de poisson, etc. Il faut convaincre le palais des consommateurs et pour ce faire, de plus en plus de chefs commencent à apprivoiser ce légume de mer et son étonnante variété.
Il peut être difficile de masquer le goût et l’odeur des algues dans certaines préparations, comme les steaks végétaux.
Certaines barrières administratives ralentissent l’arrivée des algues dans nos assiettes. Si le marché de l’algue est très développé en Asie, les homologations en Europe demandent cependant plus de temps.
Il est impératif de développer de l’aquaculture d’algues respectueuse de l’environnement et qui n’épuise pas les stocks naturels.
Il reste encore quelques verrous à lever pour pouvoir transformer les algues en biocarburant à l’échelle industrielle, notamment ceux de la vitesse de croissance des microalgues, de leur productivité en huile et des coûts de récupération du biocarburant. La productivité des microalgues provient de leur capacité à produire des lipides par photosynthèse, donc potentiellement grâce à la seule énergie du soleil. Encore faut-il ensuite récolter et extraire ces huiles pour en faire du biocarburant. La phase d’extraction du milieu aqueux est particulièrement crucial et énergivore. Tout l’enjeu pour les chercheurs, consiste à trouver des moyens de réduire les coûts de ces différentes étapes pour les rendre concurrentielles avec le forage de puits et la production de carburants fossiles conventionnels. Malheureusement, les obstacles technologiques auxquels ils se heurtent sont encore nombreux. Ce n’est donc pas demain que nous remplacerons l’ensemble des carburants fossiles par de l’algocarburant !
Cosmétique, alimentation, médecine ou encore carburant, les algues sont partout et présentent un grand intérêt pour de nombreuses industries.
Si certaines applications semblent prometteuses, elles nécessitent tout de même des investissements de taille pour espérer un jour se déployer à grande échelle.
L’Europe possède un écosystème dynamique qui a cependant du mal à attirer les capitaux. Les gouvernements se doivent de soutenir cette industrie prometteuse et d’encourager l’ensemble des initiatives qui favorisent sa croissance !
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À dans deux semaines !
Ghita
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On les cultive en Bretagne et on travaille avec des chefs, restaurateurs et entreprises partout en France qu’on fournit en algues 💙⚡️
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