Newsletter 11 - Le marché de la viande végétale : un marché de 100 milliards dans 15 ans
Par Ghita El Hajji
Bonjour à tous, je suis Ghita, étudiante à l’ENS. C’est durant mes stages en startups et en VC que j’ai eu envie de créer First-time Founders, un média qui décrypte les dernières tendances dans la tech, le monde du VC et l’entrepreneuriat.
Bonjour à tous !
Je suis Ghita et bienvenue dans la 11ᵉ édition de la newsletter First-time Founders, le média qui démocratise l’entrepreneuriat et la tech.
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Let’s go!
Au sommaire cette semaine :
Le marché de la viande végétale : un marché de 100 milliards dans 15 ans.
Pourquoi la viande est-elle de plus en plus contestée ?
Quelles sont les alternatives possibles à la viande ? Comment peut-on expliquer la croissance fulgurante du marché des substituts de viande ?
Quelle est la taille du marché de la simili-viande ? Qui sont les acteurs qui se lancent sur ce créneau porteur ? Y a-t-il de la place pour un géant européen ?
Pourquoi la simili-viande est-elle critiquée ?
Le marché de la viande végétale : un marché de 100 milliards dans 15 ans.
Il suffit de se rendre dans les rayons des supermarchés pour se rendre compte que les substituts végétaux de viande prennent de plus en plus de place sous l’impulsion de marques comme Herta ou Sojasun.
Les ventes de produits vegan et végétariens devraient bondir de près de 60% en France d’ici à 2021 selon l’institut d’études privé Xerfi. Plusieurs facteurs expliquent ce boom et notamment l’engouement certain des consommateurs pour une alimentation avec moins de viande, voire végétarienne ou vegan.
Dans les rayons ou sur les cartes des restaurants, l’irruption dans nos assiettes des produits vegan et végétariens soulève quelques questions.
Retour sur le boom des substituts à la viande, les enjeux et perspectives du secteur.
La viande : un aliment très contesté
Aujourd’hui, l’industrie de la viande est confrontée à de nombreux enjeux :
Le défi environnemental : Les millions de tonnes de viande produites dans le monde ont un impact majeur sur le réchauffement climatique, la déforestation et la consommation d’eau
L’élevage est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre.
Le régime très riche en nutriments des animaux entraîne un taux d’azote supérieur à la normale dans les eaux rejetées et peut entraîner des problèmes de santé publique ainsi que la prolifération indésirable d’algues et de la population microbienne des eaux, perturbant ainsi les écosystèmes marins.
La production de viande est très consommatrice en eau. La production d’un kilo de bœuf nécessite par exemple 13 500 litres d’eau.
L’élevage est également très gourmand en céréales. Près de 40 % des céréales produites et récoltées dans le monde servent directement à nourrir le bétail. En 2018, cela représentait au niveau mondial 800 millions de tonnes, soit assez pour nourrir trois milliards et demi d’êtres humains.
La production de viande est aussi très gourmande en terres arables. La FAO estime que 70 % de la surface agricole mondiale est utilisée soit pour le pâturage du bétail, soit pour la production de céréales destinées à les nourrir.
Le défi démographique : Pour alimenter 9 milliards d’habitants en 2050, autant de nourriture sera nécessaire au cours des 40 prochaines années que la production totale des 8000 dernières années réunies.
Le défi sanitaire : La surconsommation de viande, en particulier de viande rouge, tend à augmenter le risque de certaines maladies (comme le cancer du côlon, les maladies cardio-vasculaires, l’obésité ou le diabète de type 2), et plus généralement la mortalité.
Le bien-être animal : Chaque année, ce sont 65 milliards d’animaux qui sont tués (soit près de 2000 animaux par seconde) pour finir dans nos assiettes.
Les substituts de viande
Les modes de consommation alimentaires tendent à évoluer.
Sous l’impulsion de la demande croissante des consommateurs, les lancements de nouveaux produits et les innovations accélèrent la croissance du marché international des substituts de viande.
La bataille sur ce marché est sanglante, et ne se limite plus désormais aux seules galettes végétales.
La très forte croissance des autres catégories de produits végétaux donne un aperçu de la réceptivité des clients aux produits à base de plantes. Le lait d’origine végétale a commencé à gagner en popularité au début des années 2000 grâce à un mélange d’innovation produit et de changement stratégique dans le merchandising. En effet, le facteur le plus important dans la montée en puissance du lait d’origine végétale a probablement été de le vendre dans un emballage traditionnel aux côtés du lait de vache dans le rayon des produits laitiers réfrigérés plutôt que dans des briques aseptisées dans un rayon séparé. En 2019, les ventes au détail de lait d'origine végétale ont atteint 2 milliards de dollars, ce qui équivaut à 14 % du marché total du lait au détail aux États-Unis. La pénétration dans les ménages est actuellement de 41 %, ce qui signifie que plus de quatre ménages américains sur dix achètent du lait d'origine végétale.
On distingue plusieurs types de substituts de viande :
Les galettes végétales : Produits au croisement de la crêpe, du blini et du steak végétal, à base de céréales, de soja et parfois même de champignons s’adressant aux personnes qui consomment peu ou pas de viande (végétariens, flexitariens…). Certaines de ces marques ne se positionnent pas comme des alternatives à la viande puisque leur apport en protéines est insuffisant. Pour simplifier les choses, j’ai choisi tout de même de les classer dans cette catégorie.
Les aliments à base d’insectes : Mal perçue dans les pays occidentaux, la consommation d’insectes est une excellente réponse à la raréfaction des ressources naturelles : leur taux de conversion alimentaire (le rapport entre le poids sec des aliments distribués et le gain de production obtenu) est par exemple 4 fois plus élevé que celui des bovins, leur production de gaz à effet de serre est 10 à 100 fois plus faible que celle des porcs et ils consomment beaucoup moins d’eau qu’un élevage de bétail conventionnel tout en fournissant des protéines de haute qualité.
La viande de synthèse : Cette catégorie de substituts à la viande traditionnelle est produite à partir de cellules animales, que l’on fait croître en dehors du corps de l’animal. Ce procédé se produit dans des cuves similaires à celles utilisées pour la fermentation traditionnelle de la bière et du yaourt. Ce type de viande n’est pas encore autorisé en France. En 2020, Singapour est le premier État à autoriser la vente de nuggets de poulet, fabriqués en laboratoire par la start-up californienne Eat Just.
La simili-viande : Produits à l’aspect et à la forme de viande élaborés à base de plantes (soja, pois…) dont le but est de recréer la texture et le goût d’un vrai morceau de viande. Les viandes végétales sont de plus en plus plébscitées par les consommateurs. Elles permettent de continuer d’apprécier le goût de la viande tout en facilitant la transition à un régime alimentaire végétarien.
Je vous propose de creuser plus en détail cette dernière catégorie de produits qui semble prendre de plus en plus de place dans nos assiettes.
La simili-viande : la folie du steak végétal bouscule notre alimentation
Un marché mondial en croissance principalement dans les pays occidentaux
Le marché global des substituts de viande représentait $20,7Mds en 2020 selon Euromonitor, ce qui constitue un peu moins de 1% des ventes totales de viande dans le monde. Selon les analystes de JPMorgan, le marché de la viande à base de plantes pourrait facilement atteindre $100Mds dans 15 ans. Ceux de Barclays sont encore plus optimistes : en incluant les produits à base de cellules de viande quand ils seront commercialisés, le marché pourrait valoir $140Mds dans 10 ans.
Le marché européen de la viande végétale représentait €3,5Mds en 2020. Le marché français a atteint lui €250m cla même année d’après Euromonitor.
L’Amérique du Nord est le marché dominant de la viande végétale devant l’Europe et l’Asie Pacifique. En effet, le marché américain de la viande d’origine végétale était estimé à $4,3Mds en 2020 et devrait atteindre $8,3Mds en 2025.
Néanmoins, le taux de pénétration est considérablement plus faible aux États-Unis (4%) que sur certains marchés européens, tels que le Royaume-Uni (12%), les Pays-Bas (11%) ou la Belgique (11%).
D’autres populations sont en revanche beaucoup plus réticentes à consommer des substituts de viande d’origine végétale en raison de leurs habitudes alimentaires culturelles et de leur regard critique sur l’innovation Foodtech en général.
Les acteurs de la simili-viande
On distingue deux types d’acteurs sur ce marché :
Les acteurs historiques de l’agroalimentaire
Les entreprises agroalimentaires bien établies ont bien compris cette tendance. Elles sont nombreuses à se lancer sur le créneau des produits végétaux.
En France, Nestlé domine le marché avec sa marque Herta Le bon Végétal. La marque de Nestlé affiche une croissance de 30 % de ses ventes en volume et en valeur entre janvier et septembre 2020 par rapport à la même période en 2019 pour un marché à +4,9 % en volume et +5,9 % en valeur. Herta détient 51 % des parts de marché en valeur.
Nestlé, Unilever, JBS… les géants de l’alimentation donnent tous un coup d’accélérateur à leur branche végane à travers des acquisitions ou des lancements de gammes impulsés par leur volonté de trouver de nouvelles sources de revenus.
Unilever a acheté en 2018 le néérlandais The Vegetarian Butcher. Le numéro un mondial JBS a lancé au Brésil son propre burger végétarien. Enfin, le philippin Monde Nissin a racheté en 2016 Quorn, le spécialiste des substituts de viande à base de mycoprotéine, pour la modique somme de £550m.
Les big 2 : Beyond Meat et Impossible Foods
Comment parler de viande végétale sans parler des deux géants historiques : Beyond Meat et Impossible Foods.
Fondée en 2011, Impossible Foods lance son premier substitut de viande en juillet 2016 après 5 ans de R&D. Impossible Foods s’est d’abord concentré sur les substituts de viande bovine utilisés dans les burgers. Aujourd’hui, sa gamme est très diversifiée : porc végétal, poulet végétal…
L’entreprise a levé près de $1,4Mds depuis sa création auprès notamment de Google Ventures, Khosla Ventures, UBS et Bill Gates. En mai 2019, l'entreprise a levé $300m additionnels. Elle est alors évaluée à $2Mds. Elle a depuis levé $500m en mars 2020. Le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise est estimé à $151,5m par an.
L’entreprise a noué des partenariats avec de nombreuses chaines de restauration, notamment avec Burger King qui propose depuis quelques mois un burger 100% végétal.
Pour l’instant, les produits Impossible Foods ne sont pas vendus en Europe. La startup américaine a déposé une demande auprès de l’Autorité européenne de sécurité des aliments afin d’autoriser la mise sur le marché de l’Impossible Burger. Mais la présence d’OGM pourrait rendre la procédure plus compliquée que prévu. La requête concerne plus précisément la léghémoglobine de soja, un ingrédient capital du burger. Derrière ce nom se cache une molécule connue aussi sous l'appellation de « hème », produite grâce à des levures génétiquement modifiées.
Mais si l'UE est particulièrement sévère sur la question des OGM, elle ne devrait toutefois pas freiner les ambitions d'Impossible Foods. Certes, l'Europe rechigne à en produire, mais elle accepte d'en importer. Notamment pour l'alimentation des animaux, dont 80 % des importations est OGM.
Beyond Meat est une entreprise américaine fondée en 2009 qui développe et fabrique une variété de produits alimentaires à base de protéines végétales. Aujourd’hui, l’entreprise commercialise des produits de poulet, de boeuf haché et de porc sans viande.
En Avril 2019, Beyond Meat réalise une introduction partielle en bourse d’environ $180m, valorisant sa capitalisation totale entre $1,2 et $1,5Mds. À cette date, l’entreprise réalise un chiffre d’affaires de $87,9m pour des pertes annuelles en 2018 de $30m.
La valorisation actuelle de l’entreprise atteint $9,5Mds. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de $265m en 2019.
En avril 2020, les produits Beyond Meat étaient présents dans 77 000 points de vente dans le monde, dans 72 pays au total. En France, les produits Beyond Meat sont disponibles dans certains Monoprix.
Les nouveaux entrants
De nombreuses entreprises se lancent sur le créneau de la viande végétale. En France, l’entreprise Les Nouveaux Fermiers conçoit, produit et commercialise un certain nombre de substituts végétaux de viande (nuggets, steaks, aiguillettes…). Ces produits sont présents dans de très nombreuses grandes surfaces (Carrefour, Casino, Monoprix…) et dans plusieurs chaînes de restauration. L’entreprise a levé 2m€ en 2020 auprès de Kima Ventures et de plusieurs business angels.
Des initiatives similaires existent dans d’autres pays européens comme le Royaume-Uni avec THIS et Meatless Farm ou en Espagne avec Novameat.
Si Beyond Meat, Impossible Foods et les gros industriels de l’agroalimentaire dominent pour l’instant le marché, l’émergence d’un géant européen dans les années à venir n’est pas à exclure. En effet, même si le timing joue en défaveur des nouveaux entrants, il existe de nombreux autres facteurs de différenciation potentiels : adaptations aux préférences nationales, prix et niveau de gamme, nouvelles saveurs ou recettes, améliorations innovantes spécifiques notamment sur l’aspect nutritionnel et sanitaire, etc.
La simili-viande : Un produit extrêmement critiqué
Les substituts de viande peuvent être une bonne alternative à la viande mais ils sont très largement critiqués :
Des produits ultra transformés
La viande végétale est un produit ultra transformé dans laquelle il ne reste que très peu de matières premières.
Pour imiter la texture, l’apparence, le goût et même le saignant de la viande, un steak à base de plantes compte en moyenne une vingtaine d’ingrédients de base qui, mélangés, permettent d’imiter la viande : soja, blé, pois mais pas seulement. De la méthycellulose est également utilisée pour agglomérer les élements du steak. Enfin pour imiter le côté gras de la viande, les industriels utilisent également de l’huile de coco. Cette étude publiée en 2019 montre qu’une alimentation transformée est associée à la consommation de plus de calories (+106 calories/jour en moyenne), de glucides (+54 calories/jour en moyenne), de lipides (+53 calories/jour en moyenne). Toutefois, même si les aliments ultra transformés conduisent à une prise de masse grasse de 0,3 kg en moyenne, le lien de causalité entre la consommation de ces aliments et un risque de cancer ou de mortalité plus élevé reste impossible à établir.
Un apport nutritionnel contesté
Selon une étude réalisée par 60 Millions de consommateurs, un steak végétal n’aura jamais le même profil nutritionnel que son homologue animal. L’apport en protéines est suffisant uniquement avec les steaks végétaux à base de soja, de tempeh ou de seitan. Les produits à base de céréales ou de légumineuses n’apportent même pas la moitié des valeurs d’un steak animal. Par ailleurs, même quand les quantités de protéines sont similaires, la qualité n’est pas identique. Une protéine d'origine végétale n'est pas en mesure d'apporter à elle seule les neuf acides aminés essentiels à l'organisme pour gérer le fonctionnement des enzymes, des anticorps et des muscles. La viande végétale contient aussi très peu d’éléments minéraux clés comme le fer et le zinc.
Conclusion
La viande végétale révolutionne véritablement nos habitudes alimentaires. Et les arguments en faveur de ces nouveaux produits ne sont pas des moindres : protection de l’environnement, bien-être des animaux, beaucoup moins d’eau et d’énergie consommés pour les produire…
Toutefois, la viande végétale est un produit extrêment transformé et qui peine à prouver ses qualités nutritionnelles face à la viande traditionnelle.
Ces nouveaux produits ne prétendent pas remplacer la viande mais facilitent plutôt la transition vers une alimentation plus végétale en créant des produits gourmands, semblables à de la viande et qui permettent de réduire progressivement la consommation globale de la viande.
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